La masse de tous les matériaux produits par l’homme : béton, acier, asphalte, etc. est désormais égale à la masse de toute vie sur la planète (biomasse), selon une nouvelle étude du Weizmann Institute of Sciences en Israël. Alors que nous sommes juste au point d’équilibre, les humains continuent d’ajouter de nouveaux bâtiments, routes, véhicules et produits divers à un rythme qui double tous les 20 ans, conduisant à une "jungle de béton" qui devrait atteindre plus de deux tératonnes (deux millions de millions), soit plus du double de la masse des êtres vivants, d’ici 2040. L’étude menée par le groupe du Pr Ron Milo du département des sciences végétales et environnementales, par Emily Elhacham et Liad Ben Uri, montre qu’au début du XXe siècle, la masse anthropique produite par l’homme était égale à environ 3 % de la biomasse totale.
"La biomasse d’un écosystème correspond à la masse des êtres vivants présents dans cet écosystème. Il existe plusieurs façons de la mesurer : poids frais, poids sec, masse de carbone. C’est cette dernière solution qui a été retenue par Ron Milo et son équipe pour deux raisons : premièrement, cette mesure permet de s’affranchir de la quantité d’eau, variable, des organismes ; deuxièmement, il s’agit du type de mesure le plus fréquemment utilisé dans la littérature scientifique. Pour obtenir la masse sèche à partir la masse de carbone, il suffit de multiplier cette dernière par 2, qui est le facteur de conversion caractéristique entre masse en carbone et masse sèche." Comment est-on passé de 3 % à une masse équivalente en un peu plus d’un siècle ? Non seulement la population humaine a quadruplé, mais ce que nous produisons a de loin dépassé la croissance démographique : aujourd’hui, en moyenne, pour chaque personne sur le globe, une quantité de masse anthropique supérieure à son poids corporel est produite chaque semaine. On observe une nette accélération à partir des années 1950, lorsque les matériaux de construction comme le béton et les granulats sont devenus largement disponibles. Dans la grande accélération qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, des maisons individuelles spacieuses, des routes et des immeubles de bureaux à plusieurs étages se sont répandus aux États-Unis, en Europe et dans d’autres pays. Cette accélération dure depuis plus de six décennies, et ces deux matériaux, en particulier, constituent une composante majeure de la croissance de la masse anthropique. L’étude fournit une sorte photographie d’ensemble de la planète en 2020. Cet aperçu peut fournir une compréhension cruciale de notre rôle majeur dans le façonnement de la face de la Terre à l’ère de l’Anthropocène.
"Notre message, qui s’adresse à la fois aux décideurs politiques et au grand public, est que nous ne pouvons pas minorer notre rôle par rapport à l’immensité de la Terre. Nous sommes déjà un acteur majeur et je pense que cela implique une responsabilité partagée", précise Ron Milo. Ron Milo et Emily Elhacham ont fait équipe avec le graphiste Itaï Raveh pour créer le site Web, Anthropomass, pour expliquer ces chiffres en termes clairs et simples.
Publication dans Nature – Israël Science Info
Anthropomass